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IDENTITÉ

Identité est un projet d’installation urbaine prolongeant la réflexion initiée par Introspection en 2015. Cette réalisation éphémère se compose de cubes facettés de miroirs déposés sur les sculptures figuratives de la ville de Lille afin d’en couvrir les visages. Interpellant le regard des passants, elle opère une transformation des sculptures commémoratives en sculptures contemporaines. Cette proposition invite le public à se questionner sur l’altérité, où le miroir opère comme évocation de la construction intellectuelle liée à l’environnement et à l’autre. Rassemblant un public diversifié, l’installation-happening est l’occasion pour le public de redécouvrir ces œuvres urbaines, ce patrimoine commun que l’on finit par oublier tant il fait partie du paysage.

En investissant la rue, cette installation s’adresse à un large public diversifié et nous offre plusieurs lectures possibles. Tout d’abord, elle force la réserve naturelle en faisant directement appel aux sens de chacun ; elle court-circuite toute compréhension intellectuelle et convoque des modes de perception élémentaires ; enfin, l’installation nous propose une dialectique du soi et de l’autre : se penser « soi-même » c’est accepter que l’autre est constitutif de notre propre identité. Ces cubes de miroirs contrastent avec les corps de bronze aux courbes académiques et provoque un choc à la fois esthétique et mental.

Comme au début du 20e siècle, cette image forte créée par une forme géométrique simple symbolise une rupture avec l’art figuratif et la représentation des objets au profit de l’expression de la vie intérieure, des croyances spirituelles et philosophiques. Le miroir évoque la construction de l’identité caractérisée par la perception de son corps et le principe d’altérité. Ce jeu de reflets entre humains est nécessaire, ce mouvement entre identification et distinction nous permettant d’acquérir le sentiment d’identité. Par là, Identité nous interroge sur l’intelligence intuitive qui nous connecte à l’autre, cette faculté présente en chacun de nous qui fait l’analogie entre les phénomènes psychiques et le phénomène physique de l’intrication quantique. Le psychisme d’un être humain, lequel comprend sa conscience et son inconscient, n’est pas un système isolé. La corrélation qui existe entre individus est similaire à celle qui existe entre deux particules intriquées. L’homme est à la fois singulier par sa conscience individuelle et partie d’un tout, formant ainsi une conscience collective.

Le jeu de distance existant entre sculptures et spectateurs nous questionne également sur la célébrité et l’anonymat. Depuis l’Antiquité, les sculptures encouragent  l’adulation des hommes détenteurs du pouvoir afin d’asseoir leur souveraineté de manière durable. Le culte de la personnalité a pour but de  mettre en évidence les valeurs et les qualités du chef. La statuaire du XIXe siècle se consacrait essentiellement à la représentation du corps humain. Les mutations de la seconde moitié du XXème siècle entraînent la dissolution des catégories artistiques classiques, et nombre d’artistes expérimentent une nouvelle relation à l’art qui sort le spectateur de sa contemplation passive.

Le corps y est engagé activement à travers la création d’installations, performances, ou de sculptures-architecture. Nombre de monuments de l’après-guerre s’emparent de ces nouvelles formes de langage et posent la question du corps, non plus en relation avec une idée de représentation, mais à travers les problèmes de perception, d’expérience sensible et mentale. A mi-chemin entre la sculpture héroïque du 19ème siècle et la sculpture contemporaine qui rompt avec les codes esthétiques, Identité nous invite à réfléchir sur la perfectibilité humaine et résonne pour nous indiquer comment poursuivre notre chemin personnel. Derrière tout être humain se profile une figure héroïque, à condition toutefois que celui-ci ait le courage de développer ce qu’il y a de meilleur en lui-même. Identité n’est pas sans rappeler les empaquetages de Christo et Jeanne Claude, notamment celui du monument au roi d’Italie Vittorio Emanuele II, réalisé en 1970 à Milan, sur la Piazza del Duomo.

En cachant une partie des sculptures, Identité les replace au centre de l’attention. Ce projet est aussi une réflexion sur la fonction de l’art public, cet art de vivre la ville qui tend vers une démocratisation culturelle. La métropole lilloise, déjà enrichie par des œuvres contemporaines intégrées à son environnement, comme les tulipes de Shangri-La de Yayoi Kusama sur la place d’Euralille, le « Discobolos » de Wim Delvoye dans le quartier l’Hommelet de Roubaix ou « La demoiselle de Fives » de Kenny Hunter sur la nouvelle place de cette commune, affirme sa volonté d’embellissement des lieux et de soutien à la création contemporaine, et se contre une logique purement économique du marché de l’art. C’est aussi dans ce contexte que vient s’inscrire Identité, appliquant l’idée de Malraux de mettre « l’art à la portée de tous ».

IDENTITÉ
Dimensions variables
Miroirs trempés, bois, mousse polyuréthane et mousse alvéolaire.