INTROSPECTION
Introspection reprend les notions fondatrices de la production de Quentin Carnaille, tout en assumant un tournant plus conceptuel. L’artiste propose une installation fonctionnant comme un système basé sur le dialogue entre les différentes parties qui le composent.
Quatre colonnes identiques sont surmontées de cubes en lévitation. Comme dans ses projets précédents, Quentin Carnaille a recours aux aimants dont les forces maintiennent le poids de ces volumes à quelques centimètres au-dessus des colonnes. Celles-ci, par leur juxtaposition et leur stricte ressemblance, soulignent l’idée d’uniformité. Chacune d’entre elles développe pourtant un dialogue privilégié avec une composition tridimensionnelle unique accrochée au mur. Pour l’artiste, le tableau est la représentation mentale de la colonne à laquelle il est associé. Autrement dit, il symbolise son individualité ou encore sa singularité. L’effet de masse et de répétition suggéré au spectateur lors de la première lecture de l’oeuvre s’affine ainsi peu à peu lorsqu’il cherche à comprendre la présence des compositions murales.
À travers cette installation, Quentin Carnaille cherche à illustrer le paradoxe de la nature humaine : un tout universel constitué de singularités. Introspection évoque la conscience, l’expression de la pensée profonde et l’existence de l’âme. Dissocié du corps, l’esprit est projeté dans un univers unique et abyssal. Comme des symboles de l’humain, conçues à son échelle, les colonnes encouragent le visiteur curieux à circuler au sein de l’installation, pour finalement y prendre place. Cette invitation à l’implication physique du spectateur s’accompagne aussi de l’incitation à une participation mentale.
Depuis ses débuts, tout le travail de l’artiste a d’ailleurs été orienté en ce sens, provoquant l’interrogation et la réflexion du spectateur. Introspection propose ainsi un retour sur soi en même temps qu’elle encourage une méditation plus globale sur l’humain et ses origines.
Déjà connu pour ses créations et sculptures réalisées à partir de fragments de montres, il développe de 2010 à 2015 différents projets sculpturaux qui en appellent tour à tour à l’abstraction et à la figuration. Les mécanismes d’horlogerie y sont assemblés selon une logique de l’accumulation qui n’est pas sans rappeler le Nouveau Réalisme.
Si de loin les œuvres paraissent au spectateur être des objets unitaires, il s’aperçoit en s’approchant que chacun d’entre eux est composé d’une multitude de rouages provenant de montres anciennes. Le travail de Quentin Carnaille propose ainsi une démonstration sur le fragmentaire qui forme un tout, à l’instar du fonctionnement de la montre où tous les rouages tournent les uns avec les autres. Il illustre d’ailleurs ce principe en le comparant à l’organisation de la nature et de l’univers.
Articulant son travail à partir de la notion de temps, Quentin Carnaille s’intéresse aussi depuis peu à l’inscription de l’oeuvre dans l’espace. Si certaines des sculptures réalisées ces dernières années lévitent grâce aux expérimentations magnétiques, d’autres comme Attraction (2015) développent un rapport plus étroit à la spatialité et à son appréhension par le spectateur.
Attraction marquait un renouvellement de la pratique de l’artiste, mais le point de rupture est aujourd’hui pleinement assumé avec Introspection. La mutation est visiblement démontrée puisqu’il s’agit de la première pièce de Quentin Carnaille à être totalement dépourvue de rouages d’horlogerie. L’installation associe une esthétique résolument épurée aux pensées métaphysiques de l‘artiste. Quasiment projetée dans un univers de science-fiction, Introspection évoque le caractère remplaçable de l’humain dans certains romans d’anticipation. Présentant ses colonnes comme des surfaces unitaires laquées de noir, Quentin Carnaille se rapproche davantage d’une forme de minimalisme conceptuel où le vide, omniprésent, tend à créer une quatrième dimension.